Première génération de la culture digitale, le Nerd et sa cohorte de termes plus ou moins apparentés, tels que l’otakus selon son pendant japonais, rôliste et hard-core gamer pour les joueurs de jeux invétérés, le geek ayant l’apparence plus « proprète » de l’informaticien, le hacker, pirate du cyberespace, se définit comme nouveau mode de socialité survenant au moment d’un vécu plus intense dans la sphère du virtuel. Aujourd’hui, on peut ajouter à cette liste les termes de netocrate, comme la nouvelle caste élitiste du virtuel, et enfin de nolife ; adolescent qui dès sa prime jeunesse a usé d’un ordinateur connecté à Internet.
Habitants de la Silicone Valley, les nerds ou microserfs ont souvent été considérés péjorativement comme des hurluberlus a-sociaux. On retrouve leurs premières descriptions au commencement des romans cyberpunk, devenant ainsi des acteurs incontournables de la cyberculture. Les nerds seraient la nouvelle avant-garde utopiste émergeante d’une humanité habitant, au sens fort du terme, les mondes virtuels.
Souvenons-nous de cette tirade de Neuromancien, ouvrage de William Gibson qui fit grand bruit à l’époque, et encore à ce jour : « le corps, c’était de la chair. Case était tombé dans la prison de sa propre chair. ». Ce court extrait réaffirmerait l’opposition toujours plus accomplie entre l’esprit et le corps. A force de vivre connecté au réseau, le corps ne devient plus qu’un simple véhicule, à la limite interchangeable, de notre conscience ou esprit : dernier rempart de la matérialité avant une dissolution finale dans la matrice.
Cette utopie cyberpunk n’a jamais été aussi criante de réalité qu’actuellement. Ses imaginaires et ses mythologies véhiculées au départ par les sous et contre culture, ainsi que par la pop culture, font désormais partis de notre vie quotidienne. Et ces nerds auraient pensé, anticipé et enfin expérimenté avant l’heure, un mode de vie orienté vers le virtuel. Cette nerd attitude serait-elle un phénomène aussi nouveau qu’on le prétend ?
On serait tenté de les comparer à nos érudits, nos ermites, et même aux shamans. En d’autres termes à ceux qui auraient accès aux arcannes de la connaissance, aux mondes réticulaires des divinités ; en ayant pour trait commun ce vœux pieu de se désintéresser du monde matériel pour se tourner vers des mondes immatériels, lieux symboliques où la pensée s’égare, et où la schizophrénie n’est jamais très loin.
Séquence cliché : ils auraient beau voir le monde derrière leur lourde monture de lunettes, les cheveux crasseux, être dotés d’une peau boutonneuse du fait d’une mauvaise alimentation, mangeant tout ce qu’il trouve de comestible et de rapide à assimiler, et grossir d’inactivité, ou être au bord de l’anémie, prendre de la caféine à haute dose, ou des amphétamines, pour ne plus dormir, on n’en touche pas moins ici à une ascèse de l’immersion.
L’ascèse du nerd serait concentrée derrière cet autre côté du miroir que symbolise l’écran/interface de l’ordinateur ; pour un discernement, une attention, non pas concentrée sur son corps ou les outres-mondes que sont par exemple la vie après la mort ou la métaphysique, mais sur la vie artificielle de ses propres avatars évoluant dans ce nouvel écosystème contenant toutes les connaissances, fantasmes et désirs de l’humanité. Un monde perçu au travers d’un miroir déformant, où l’on vivrait déjà dans la construction de son propre mythe à géométrie variable, construisant des scenarii et différentes identités. Un univers de projection où l’on est amené à vivre plusieurs vies par l’entremise d’un avatar. Un avatar à l’image de notre mosaïque sociale et imaginaire, que l’on peut faire et défaire comme les vêtements rapiécés d’un arlequin.
Et l’art dans tout cela. Le rapport à la matière et au concept continue son processus d’oscillation entre l’abstraction et la concrétude du monde, et questionner nos réalités. Et les univers des Nerds, tout en étant tournés vers l’immatériel, créent, improvisent des esthétique inédites, parsemées d’objets, d’images et de rituels. Pour exemple, les arts digitaux et numériques, et plus généralement l’art contemporain sont taraudés par l’imaginaire des mangas, des comics-books, freaks et autres sub-cultures, privilégiant le mix ou le « crossover ». Mouvements considérés comme « expérimentaux », jusqu’à ce qu’ils se disséminent dans tout le corps social. Cultivant l’éclectisme, on reconnaît la réussite d’artistes aussi différents que Kolkhoz, Joe Coleman, Takashi Murakami, Jodi... Il faut se rendre à l’évidence que la déterritorialisation de l’art au sein de la virtualité, se développant par ramifications de type rhizomes, forge un sentir en commun au travers de l’accès à d’autres réalités simulées. Depuis, ces tribus s’agrégent pour prendre de nouvelles formes.
Ces nerds, devenus geeks, hackers, ont désormais, par filiation, fait place aux netocrates et nolifes d’aujourd’hui. Au départ stigmatisé, mis à l’écart du champ social en s’auto-encapsulant dans des bulles virtuelles, ils ne généraient qu’incompréhension. Pourtant, ils deviennent au fur et à mesure une norme pleinement assumée. Et à bien des égards les garants d’une nouvelle puissance, au sens Nietzschéen du terme : être en mesure, comme les principaux Acteurs du Réseau, d’infléchir sur les sphères informationnelles et artistiques. L’art se conjuguerait désormais dans l’ici et le maintenant du virtuel, et ces digital natives que sont les nerds, en sont nos éclaireurs les plus clairvoyants.
Habitants de la Silicone Valley, les nerds ou microserfs ont souvent été considérés péjorativement comme des hurluberlus a-sociaux. On retrouve leurs premières descriptions au commencement des romans cyberpunk, devenant ainsi des acteurs incontournables de la cyberculture. Les nerds seraient la nouvelle avant-garde utopiste émergeante d’une humanité habitant, au sens fort du terme, les mondes virtuels.
Souvenons-nous de cette tirade de Neuromancien, ouvrage de William Gibson qui fit grand bruit à l’époque, et encore à ce jour : « le corps, c’était de la chair. Case était tombé dans la prison de sa propre chair. ». Ce court extrait réaffirmerait l’opposition toujours plus accomplie entre l’esprit et le corps. A force de vivre connecté au réseau, le corps ne devient plus qu’un simple véhicule, à la limite interchangeable, de notre conscience ou esprit : dernier rempart de la matérialité avant une dissolution finale dans la matrice.
Cette utopie cyberpunk n’a jamais été aussi criante de réalité qu’actuellement. Ses imaginaires et ses mythologies véhiculées au départ par les sous et contre culture, ainsi que par la pop culture, font désormais partis de notre vie quotidienne. Et ces nerds auraient pensé, anticipé et enfin expérimenté avant l’heure, un mode de vie orienté vers le virtuel. Cette nerd attitude serait-elle un phénomène aussi nouveau qu’on le prétend ?
On serait tenté de les comparer à nos érudits, nos ermites, et même aux shamans. En d’autres termes à ceux qui auraient accès aux arcannes de la connaissance, aux mondes réticulaires des divinités ; en ayant pour trait commun ce vœux pieu de se désintéresser du monde matériel pour se tourner vers des mondes immatériels, lieux symboliques où la pensée s’égare, et où la schizophrénie n’est jamais très loin.
Séquence cliché : ils auraient beau voir le monde derrière leur lourde monture de lunettes, les cheveux crasseux, être dotés d’une peau boutonneuse du fait d’une mauvaise alimentation, mangeant tout ce qu’il trouve de comestible et de rapide à assimiler, et grossir d’inactivité, ou être au bord de l’anémie, prendre de la caféine à haute dose, ou des amphétamines, pour ne plus dormir, on n’en touche pas moins ici à une ascèse de l’immersion.
L’ascèse du nerd serait concentrée derrière cet autre côté du miroir que symbolise l’écran/interface de l’ordinateur ; pour un discernement, une attention, non pas concentrée sur son corps ou les outres-mondes que sont par exemple la vie après la mort ou la métaphysique, mais sur la vie artificielle de ses propres avatars évoluant dans ce nouvel écosystème contenant toutes les connaissances, fantasmes et désirs de l’humanité. Un monde perçu au travers d’un miroir déformant, où l’on vivrait déjà dans la construction de son propre mythe à géométrie variable, construisant des scenarii et différentes identités. Un univers de projection où l’on est amené à vivre plusieurs vies par l’entremise d’un avatar. Un avatar à l’image de notre mosaïque sociale et imaginaire, que l’on peut faire et défaire comme les vêtements rapiécés d’un arlequin.
Et l’art dans tout cela. Le rapport à la matière et au concept continue son processus d’oscillation entre l’abstraction et la concrétude du monde, et questionner nos réalités. Et les univers des Nerds, tout en étant tournés vers l’immatériel, créent, improvisent des esthétique inédites, parsemées d’objets, d’images et de rituels. Pour exemple, les arts digitaux et numériques, et plus généralement l’art contemporain sont taraudés par l’imaginaire des mangas, des comics-books, freaks et autres sub-cultures, privilégiant le mix ou le « crossover ». Mouvements considérés comme « expérimentaux », jusqu’à ce qu’ils se disséminent dans tout le corps social. Cultivant l’éclectisme, on reconnaît la réussite d’artistes aussi différents que Kolkhoz, Joe Coleman, Takashi Murakami, Jodi... Il faut se rendre à l’évidence que la déterritorialisation de l’art au sein de la virtualité, se développant par ramifications de type rhizomes, forge un sentir en commun au travers de l’accès à d’autres réalités simulées. Depuis, ces tribus s’agrégent pour prendre de nouvelles formes.
Ces nerds, devenus geeks, hackers, ont désormais, par filiation, fait place aux netocrates et nolifes d’aujourd’hui. Au départ stigmatisé, mis à l’écart du champ social en s’auto-encapsulant dans des bulles virtuelles, ils ne généraient qu’incompréhension. Pourtant, ils deviennent au fur et à mesure une norme pleinement assumée. Et à bien des égards les garants d’une nouvelle puissance, au sens Nietzschéen du terme : être en mesure, comme les principaux Acteurs du Réseau, d’infléchir sur les sphères informationnelles et artistiques. L’art se conjuguerait désormais dans l’ici et le maintenant du virtuel, et ces digital natives que sont les nerds, en sont nos éclaireurs les plus clairvoyants.