Critique LES FRUITS DU CORPS Elsa Delahaye

Le fruit du corps
Du jeudi 10 au mardi 29 avril

Vernissage samedi 12 avril 19h
Centre culturel Aragon-Triolet

Non, le corps n’est pas sans organe, il n’est pas qu’apparence et bloc monolithique de chair insondable. Il est constitué d’univers tournoyants de cellules, de tissus de toutes sortes, qui en s’organisant se forment en structures fonctionnelles et interdépendantes.

Le devenir du corps érotisé semblerait passer par le symbole de la fleur : bulbes, vulves, pétales, pistils se transforment au travers du regard d’Elsa Delahaye en zones érogènes, en humeurs versatiles rouge cerise. Les photographes Araki et Mapplethorpe ont bien compris que l’efflorescences des sens se cache en chaque fleur, et particulièrement dans les lys et les orchidées. Les photographies de l’artiste sont aussi sensuelles que maintes photographies de ces artistes, avec cette même candeur et sincérité, sans tomber dans la facilité de l’érotisme et de la pornographie.

Nous sommes constitués d’organes, donc, nous sommes des intériorités ardentes, et les photos de ces fruits mûrs, gorgés de sucre, sont l’expression douce et passionnée de l’étreinte charnelle. Ce sont les mystères de l’intimité qui sont mis à jour. Et ici, c’est le regard qui déflore. Il butine et erre de triptyque en triptyque. Pourquoi cette figure obsessionnelle et redondante du chiffre trois ? Est-ce à dire que la félicité religieuse est présente ? L’on pourrait avancer plutôt, que dans la sexualité, il faut être au minimum trois : deux êtres qui se désirent, et la multitude des objets du désir qui les accompagne : fesse, bouche, sein, phallus... A ce moment, le corps devient morcelé, éclaté, écorché à vif même, par une forte charge libidinale qui exsude de tous les pores de la peau.

Oui, le corps est, tout compte fait, sans organes. Car ce dernier, du fait de la haute intensité qui le parcourt, ne parvient plus à distinguer ses organes les uns des autres, son intérieur de son extérieur. La sensation n’est plus localisée, elle est généralisée, et l’on ne sait plus ce qui est regardé : corps, fleurs, fruits… tout se brouille. Devant cette extrême intensité, cette immense vague qui submerge tout sur son passage, les fruits du corps sont là pour nous rappeler qu’en chaque fruit, en chaque fleur, se dissimulent l’occasion de regarder un peu de ce qui nous est le plus chair…