Dans le cadre de la XX ème édition du festival Vidéoformes 2005 à Clermont Ferrand, une compétition internationale d’œuvres multimédias aura lieu. Pour cette compétition sont présentées des œuvres sur cd-rom et des œuvres en ligne du 15 mars au 03 avril à la Galerie de l’Hôtel de Fontfreyd. L'annonce du Palmarès aura lieu le samedi 19 mars à La Jetée. Nous vous présentons à cette occasion les différentes œuvres en lice.
Cédric van Eenoo présente « Euxysème... production de choses, aspirateurs, fruits et légumes timides », c’est un site à l’univers loufoque dans lequel on croise des petits bonhommes dessinés dans un design résolument low tech, tel que pacman ou space invader, et d’autres travaux tout aussi surprenant... C’est univers ludique et astucieux, pour les grands enfants que nous sommes, dévoile des trésors d’ingéniosité pour nous faire graviter dans un univers conjuguant des saynètes absurdes ou de la vie quotidienne. De cette composition qui emprunte toutes les voies offertes au multimédia, il se dégage une poétique et un regard amusé sur Internet.
Avec Sonoises de Sylvain Hourany nous pénétrons dans un tout autre univers. Ce site expérimental qui présente différents modules autonomes a pour point de départ cette réflexion : le bruit. Sonoise est une tentative éclairée de symbolisation des bruits et des sonorités qui sont propagés instantanément par les réseaux de communication. Autrement dit, ce site rend compte de la circulation chaotique des flux d’images et de bruits ruminés et éructés par les machines dans leurs phases cryptées, partielles et pour le moins indescriptibles. C’est une suite de dérapage, de zapping incessant qui nous ramène à une sorte de mer primordiale électronique, une écume bruyante qui se posent sur le rivage de nos sens.
Après ces perturbations bruitistes russoliennes d’un nouveau genre, une question s’impose pour Sylvie Coussot Internet n’aurait il pas d’horizon ? Cette dernière propose dans « paysage en ligne » que chacun puisse créer le sien, et le mettre en résonance avec ceux d’autres personnes. C’est en d’autres termes, une invitation au voyage pour la recomposition d’un horizon collectif virtuel, chacun pouvant à loisir le composer et lui donner la forme qu’il désire. Ce ne sont plus des horizons perdus, ils sont tangibles et font partis de nos propres vécus personnels, du moins pour ceux qui veulent en faire l’expérience communautaire et « se retrouver au centre des centres du monde ».
Suite à cette réflexion sur le paysage, c’est le thème de la paix qu’interroge l’allemand Wilfried Agricola en présentant « 138 seconds of peace ?». Est-ce une utopie, une invention, un mirage ? Nul ne le sait, sauf que ce site lancé au début de la guerre en Irak (2003) se situe dans une tradition iconoclaste : car même ce moment de paix désigné par une procession religieuse de jeunes « recrues » ne doit pas nous faire oublier que dans cette quiétude dominicale, les soubresauts du rythme de la vie, avec sa cohorte de conflit et de haine attisés par l’ignorance et « l’œil du malin », ne sont pas loin…
Le projet collectif « Odyssée » est le fruit de l’association d’Arte France et du collectif Plokker en hommage au centenaire de la parution du livre de James Joyce, intitulé Ulysses. Ce moment fondateur, qui intronise l’émergence de la littérature moderne, fut célébré par un article paru dans Le Monde au titre de « Bloomsdays ». Ce site est en quelque sorte la continuation de cette modernité dans l’interprétation de l’Odyssée d’Homère qu’a faite Joyce. Tous les éléments sont réunis afin de s’immerger dans son univers pittoresque, parsemé d’organe, d’art, de couleurs, de symboles et de techniques littéraires. Ce site multimédia est pour le moins remarquable dans sa réalisation plastique, autant que dans sa mise en scène interactive et variée.
Dans une ligne contestatrice, cette oeuvre de l’anglais Michael Takeo Magruder intitulé est en ligne sur la plate forme multimédia Turbulence.org. Trente fenêtres sont proposées pour cette œuvre. Titre, texte, image et son ont été recueillis sur le site http://news.bbc.co.uk/ entre le 29 décembre et le 1er février 2004. Ces informations ainsi extraites ont été agencées afin de présenter un malstrom chaotique informationnel. Par ce jeu de saturation, Michaël Takeo Magruder pose la question du statut évènementiel de l’information « entre l’individu et des moments finis de l’histoire récente ». L’acte de réappropriation est certainement symbolisé par la palette de couleur mise à disposition, tel un orgue des humeurs, l’internaute peut à loisir changer la couleur de l’image animée qui est incrustée dans les lettrines.
« Pentafono » (Tracks of creativity) de l’italien Tilli Giuseppe permet l’expérimentation d’un nouveau mode de création musicale, et quoi de plus logique que d’utiliser une main comme interface symbolique. Le dispositif procède par une inversion des médiums : ce ne sont plus les doigts qui appuient sur les touches du piano, ou une baguette sur une cymbale, mais l’ersatz de la préhension qu’est le pointeur. Les sons sont ainsi déclenchés par l’action du clic sur les doigts d’une main. Cet organe préhensible qu’est la main s’improvise comme instrument ludique de musique. Cette expérience est vécue de manière collective : par l’entremise d’un login et d’un mot de passe nous avons accès à une base de données en ligne avec laquelle nous pouvons créer nos propres compositions.
Pour finir ce tour d’horizon, le site l' « étant Modern » de Marc Veyrat, Mathieu Castella, Neige Berthet, Sophie Pyronnet, Julien Lemesre ressemble à s’y méprendre à un clip musical, mais interactif. C’est une immersion dans un monde débridé mêlant psychédélisme et le coté fluo années 80 sur fond d’un remix électronique pop de Air. L’ambiance est posée et c’est à un rythme tourbillonnant, effréné, ponctué de perturbations visuelles complexes, que l’on gravite de fenêtre en fenêtre. Les formes se bousculent et ne se ressemblent pas, mêlant anachronisme graphique et haut technicité.
Outre les films qui sont présentés et qui ont fait la réputation de Vidéoformes, ces œuvres multimédias en ligne sont la démonstration des potentialités que renferment les outils d’Internet, laissant ainsi libre cours à l’imagination et à la créativité des artistes. Des œuvres sur cd-rom sont aussi présentées.
Critique VIDEOFORME
