Critique SERVOVALVE

Le nom de SERVOVALVE peut tout aussi bien évoquer un procédé technique quelconque de valves, une pièce de montage égarée d’un cyborg sur une chaîne de montage industriel, mais il n’en est rien. C’est le pseudonyme d’un artiste créateur d’une esthétique visuelle et auditive techno-chaotique et minimaliste. Voici de prime abord ce que l’on peut envisager de cet artiste mutant qui porte le surnom alambiqué de Servovalve, alias Grégory Pignot. Pour le site Turbulence (Site New Yorkais spécialisé en Net Art) ce dernier fait parti de la « Paris Connection » au même titre que Jean-Jacque Birgé, Nicolas Clauss, Frédéric Durieu, Jean-Luc Lamarque et Antoine Schmitt. Ils sont désignés pour être le groupuscule qui anime la scène virtuelle parisienne de la création numérique.
Cet artiste est prolixe, il a déjà à son actif sept cd-rom multimédias et un site : servovalve.nurb. Sur ce dernier, il y expose vingt et un modules extraits de ses cd-rom multimédias, de ses installations numériques et de ses performances live. Son domaine de prédilection est l’hypertexture, une synthèse expérimentale entre le son, l’animation et le texte. Sa musique inclassable est à la confluence de différents genres de musique électronique. Il l’explicite lui-même dans un interview en la qualifiant d’« Electronique, rythmique, énergique, atmosphérique, horlogique (connectée au temps donné par l'horloge de l'ordinateur), méta-lithurgique... subambiante... neurodance... »
La présentation de ce site est froide, minimaliste et quasi simpliste. Mais cela est feint, le superflu n’a pas lieu d’être, tout est conçu de manière efficace afin qu’il n’y ait pas de perturbations visuelles lors de l’immersion, autres que celles qui vous sont proposées. Quelques conseils : mettre le plein écran, brancher les amplis et la stéréo. Les modules sont conçus de manière progressive et récompense les patients. Pour accentuer cette ambiance « concrète » toutes les animations évoluent, quasi exclusivement sur fond noir. D’un point de vue techniques les modules bénéficient de la fluidité et de la limpidité de Director, ce qui permet l’accès à sa substance imaginaire post-techno-industrielle…
De cette substance débridée et magmatique, différentes thématiques de l’art numérique se dégagent. L’une d’elle est l’interaction synchronique entre le son et les mouvements avec pour principale thématique le croisement de ligne horizontale et verticales et ses multiples variations : Subaction, Xliner et Cydil. Dans cette même catégorie, on peut y inclure l’œuvre générative Electrotomy : la rythmique est engagée par les clics de la souris. Dans Cone82 et Cone8, ce sont des structures atomiques en mouvement que l’on peut modéliser. La seconde thématique concerne le rhizome qui se décline sous toutes ses formes architecturales labyrinthiques et virales possibles : Rhizometric, Urbaniser, Ligne de ville, Ligne de Fuite, Unstruct I, Doin’ dat much et Erdro (dans lequel on peut créer soi-même son propre treillis réticulaire). Il s’ensuit la thématique de la cellule avec Heartmeat, Ohon et Go. S. cell. Au septième icônes, on peut voir le programme de l’installation numérique Carbon qui fut exposé à @rt outsider en 2002 : un visage en clair/obscur baroque surgissant d’un maelström noir et angoissant. Dans Loolab II, ce sont des yeux qui se métamorphosent lorsque l’on clique une chevillette virtuelle, sous fond de boite à musique : un retour à l’archaïque dans cet univers techno. D’autres curiosités sont en présentations tel que Uncentered où le pointeur avatar de nous-même trouve son no man’s land, dans iiii on y voit un ver immatériel souligné par une tubulure en fil de fer, et Fil, ou comment parvenir à maîtriser une étincelle d’énergie électrique.
Gregory Pignot, dans le texte en présentation de son œuvre Carbon, fait en sorte de creuser l’intériorité de l’être sans s’arrêter à la superficialité du derme. On pourrait calquer cette interprétation sur toutes ses productions, et plus encore. Car, il s’attache à décrypter les processus et les combinaisons graphiques et sonores de l’expansion virale et rhizomatique des structures atomiques, cellulaires et urbaines, en d’autres termes un travail sur leur mitose (division et expansion cellulaire). C’est une pensée transversale qui englobe les échelles du vécu (l’énergie, l’atome, la cellule, les tissus organiques, les corps et le milieu urbain) afin d’accéder au cosmos. C’est, pour finir, une interprétation visuelle et auditive des préceptes énoncés dans Mille Plateaux de Deleuze et Guattari.

Publié sur ParisArt.com