Critique HE(M)ATOME

HE(M)ATOME est un projet expérimental de clip musical interactif. Il a été réalisé par Emmanuel Kodjo et Romain Déflache en 2002. Produit par Lunographe, ce site a été présenté dans l’Exposition interactive des e-magiciens en 2002, choisi dans la Sélection « un autre monde » du Festival international du film de l’Internet 2003, mention spéciale au concours internationale de net-art au festival Villette Numérique 2002 et enfin site du jour par Telerama.fr. Actuellement, Lunographe est invité dans la galerie du Festival International de Langage Electronique 2004 à São Paulo. Le synopsis d’ Hé(M)atome est simple et efficace, il se prête à une dérive dans un monde virtuel : « Un homme plongé dans un coma profond déambule entre la vie et la mort dans une station de métro imaginaire. Voyage dans son inconscient... ».
Comme nous l’avons mentionné en présentation, ce site a été constitué afin de mêler navigation interaction avec la musique. Cette dernière est hypnotique, aérienne, cristalline et parsemé de différentes sonorités. Il y a la nécessité de tâtonner afin de discerner les éléments dans l’environnement visuel avec lesquels on peut interagir. Tous mobiliers, éclairages ou panneaux sont prétextes aux sons… Si vous ne les trouvez pas, la démarche à suivre est indiquée en présentation du site. Il suffit maintenant de vous conter l’histoire de la circonvolution de cet homme plongé dans un état léthargique, le labyrinthe du métro étant la symbolisation géographique et topologique du trajet de son inconscient.
Au regard du petit interstice d’une bouche d’égout, c’est l’entrée béante du métro qui se dévoile. Abstrait et déréalisé, ce monde souterrain est d’une blancheur froide et immaculée. Par contraste, les montages photographiques du métro sont les référents de la vie réelle, ils évoquent un quotidien bien connu par les usagers du métro. Cette vision, tel un choc électrique traumatique, nous emporte toujours plus profond dans le monde souterrain de son inconscient. La seule échappatoire qui nous pend littéralement au nez sont les profondeurs de la réalité organique des méandres neuronaux interconnectés du cerveau, le métro pour une nouvelle représentation de l’antichambre de l’inconscient. Y descendre, n’est pas sans danger, et résister serait vain : apparaissent sur les murs les injonctions « lutte », « relève toi » « réveille-toi », « tiens moi » « tiens bon », « je t’aime », « reviens ». Dans ses tréfonds y est tapis un cœur. Sensible, ses battements sont dotés d’une vie autonome, il est peut être encore le seul organe empressé par le désir organique de vivre. C’est sa vie qui est en jeu et elle est métaphorisée par la marelle. Un jeu d’enfant qui nous fait graviter entre ciel et terre, entre la résurrection et le trépas. Seulement, il est un dernier métro à prendre, c’est celui peut-être de l’ultime régression, celui qui nous emmène en enfance, et fait tirer la sonnette d’alarme des forces vitales instinctives. Ultime ressource qui peut tirer du coma, peut être à part l’amour... Il s’ensuit l’ascenseur, ultime étape, et les différents niveaux qui mèneront à son éveil : -3 « pense à moi », -2 « n’abandonne pas », -1 « je t’aime ». La porte est d’or, elle s’ouvre, des yeux s’ouvrent… la NDE (Near Death Expérience) serait terminée ?
Tout le long d’Hé(M)atome la musique électronique et bruitiste est omniprésente, elle est le relief d’une intimité toute inconsciente. Fragments mémoriels qui accompagnent nos rêves autant que nos cauchemars, et qui sont déclenchés par le pointeur, ersatz de la main. Ce site prouve une nouvelle fois que le virtuel est le lieu propice au voyage intérieur, un voyage souterrain qui n’a d’autre issue que de nous rendre la vie, ou du moins de transfigurer notre quotidien par cette expérience.

Publié sur ParisArt.com