Critique REVENANCE

REVENANCE est un espace vrml, une œuvre en ligne immersive en 3D, qui a été réalisée pendant le mois de juillet 2000 au C3 (Centre pour la Culture et la Communication, Budapest) avec l'aide du CICV (Centre International sur la Création Vidéo) et de l'AFFA (Association Française de l’Action Artistique) et présentée à la Biennale d’Art Contemporain de Montréal. Le site est le fruit de la collaboration de Grégory Chatonsky et de Reynald Drouhin. Depuis 1989, Grégory Chatonsky est l’auteur de nombreuses vidéos, installations vidéo, cd-rom, et maintenant de sites. Il est le fondateur de la plateforme incident.net, d’où on peut consulter de nombreuses œuvres en ligne de différents artistes associés aux expérimentations du multimédias. Sa dernière œuvre s’intitule « Se touche toi », réalisé au Fresnoy où il a été professeur, elle était en présentation en septembre dernier au festival Emergences 2004. Drouhin quant à lui est l’auteur de nombreux projets pour le web, et il est membre d’incident.net. Sa dernière œuvre s’intitule BetaGirl (présenté en décembre au festival Acces, www.acces-s.org).
Revenances
est une réflexion spatio-temporelle sur la mort. Ce site met en scène un esprit perdu dans les limbes, un espace interstitiel lieu d’errance des non vivants. Serait-ce l’autopsie d’un disque dur, retraçant l’expérimentation du téléchargement d’un esprit qui aurait mal tourné, le corps séparé à jamais de ce dernier? Une NDE participative (Near Death Expérience) ? Pour Chatonsky, « C'est l'histoire d'un homme qui rejoint le monde des morts. Il entend une voix, celle d'une femme. Cette femme raconte la mort de cet homme et leur séparation ».
Revenances
c’est un espace tridimensionnel, maelström noir, dans lequel est placé une structure architecturale à multi niveaux : un donjon infini. Dans cette simulation, les pièces ne sont soulignées que par les contours squelettiques du bâti en fil de fer. Après s’être familiarisé à la navigation (avec la souris ou le clavier), il apparaît à nos yeux un avatar. C’est le fantôme d’une jeune femme qui par moment se dédouble, elle entonne de sa voix blanche en anglais et en français un étrange monologue litanique fait de questions et d’affirmations existentielles sur le devenir de soi et de nous-même. Ne serait-ce pas vous, tout compte fait, à qui elle s’adresse ? Pour seule réponse, autre que nos propres pensées réflexives face à cette étrangeté… une ambiance sonore pesante aux échos lointains d’outre monde et entrecoupée de silence. Pour précision, les textes sont inspirés de Jacques Derrida dans son livre intitulé Spectre de Marx.
Le ghost de l’homme ou âme damnée n’a d’autre solution que d’explorer ce lieu paranormal, accompagné de l’image schizo virtuelle de la femme. Le contact de la chaise et du lit ou le passage d’une porte, les seules mobiliers qui prouvent encore qu’il aurait eu un corps, font surgir des flashs back, des rêves sensoriels : des caresses, une bouffée de cigarette… ; des visions cauchemardesques, des voyages : bâtiments détruits de la Commune de Paris, des visages, la neige d’un écran de tv… Tout corps devient spectre (caméra infrarouge) et serait un fragment mémoriel d’une humanité désormais oubliée. En épilogue, « Exit the ghost », tel Orphée nous quittons les enfers et réintégrons notre corps symbolisé par une main cramponnée à sa souris.
Revenances
est une expérience mystique et philosophique du « téléchargement » de l’esprit dans la matrice, tel que Hans Moravec et Marvin Minsky l’ont prophétisé au début de la cyberculture. Ce site, certes un peu ancien (2000), emploie un procédé technique malheureusement peu employé (3D), une initiative trop rare.


Publié sur ParisArt.com