Critique ATTERRISSAGE HORS-SOL CATHERINE NIEKI

Pour ses débuts, la galerie Hors-Sol présente Atterrissage Hors-Sol de l’artiste multimédias Catherine Nyeki. Ses œuvres, par l’étrangeté et l’efflorescence sensorielle qu’elles procurent, agencent les premiers germes de l’enracinement dynamique d’une toute nouvelle galerie sur la scène parisienne.
Artiste polyvalente (plasticienne, musicienne et infographiste), Catherine Nyeki nous immerge dans un monde végétal et méditatif. En présentant des impressions numériques, des partitions cartographiques, un environnement sonore et un cd-rom interactif (qui sera présenté dans le courant du mois de novembre), cette artiste plie et déplie le sens du vécu ; aux moments décisifs où les nanotechnologies ne sont plus une simple vue de l’esprit, et que la génétique s’immisce toujours plus en profondeur dans notre quotidien. Jouerait-elle ainsi avec nos peurs et fantasmes collectifs ? Et complexifierait-elle le nœud gordien qui enchevêtre réel et imaginaire, fiction et réalité ?
Sans aucun doute, car l’installation interactive de Nyeki, Mµ Herbier, nous invite à participer au jeux qu’elle a créé et prendre, pour quelques instants, sa place de démiurge. Non seulement, ce peut être un observatoire de vies inconnues, mais également le laboratoire permettant de bouturer et de faire germer des êtres hybrides. Les lois qui les régissent ne correspondent plus à celles de la nature, mais à l’imaginaire personnel de l’artiste. Il y a dans ce jeu, ce même empressement frénétique que suscite toutes découvertes de nouvelles sources d’altérités. Pour exemple, celles que partagent les chamans et leurs connaissances innées des plantes, les moines du moyen-âges découvrant la biodiversité des premiers herbiers, et les scientifiques examinant de leur microscope les mondes que renferment une boîte de pétrie. Enfin toutes ces formes de vies éparses, qui sous un regard neuf, ébranlent la raison, sèment le doute, devant tant d'inconnus et d’ingéniosités.
Les formes présentées dans l’installation sont de couleur dominante verte. Les corps protéiformes et « rhizomorphes » s’apparentent à des points nodaux, départ de toutes sortes de branches, de feuilles et de pistils, frémissants et grouillants. Ces mêmes corps/nodes sont disposés en concrétion de grappes ou seuls. Serait-ce des formes endémiques virales agressives ? zoo et/ou phytoplanctons transgénétiques, inoffensifs ? golems hybrides végétaux ? plantes parasites avatars numériques ? Devant tant d’incertitudes, tout contribue à ce que l’on perde nos repères sur l’échelle du vivant et de ses évolutions futures. Formes plus rassurantes dans ce bestiaire végétale, la série d’impressions numériques des cotonneux apposées aux murs.
L’environnement sonore, éthéré et expérimental, joue un rôle central. En boucle dans l’espace d’exposition, le cd-rom Mµ tamorphe, nous permet d’accéder à d’autres plans d’existences : nous emportant inexorablement vers les rivages lointains et inconnus de ces micros-mondes. Les sons sont des mots, onomatopées et bruits mutés par des machines électroniques. C’est à ce demander, si cet environnement garantirait la croissance de ces êtres hybrides ? Ou la formulation d’une communication s’établissant entre nous-mêmes et ces plantes ? Pour preuve, apposées sur un mur de l’exposition, les cartographies/partitions faites de neumes médiévaux et d’agencements de portées topologiques et subjectives. Démontrant, à l’instar des balbutiements de l’écriture musicale médiévale, que la musique électronique demande sans cesse un renouvellement de ses formes de transcriptions, afin de rendre compte de sa variété sonore et infinie.
Dotée d’une main verte virtuelle, Catherine Nyeki aurait un imaginaire hautement mutagène. Pour la galerie Hors-Sol, c’est même un atterrissage plutôt réussi.