Critique :// BRASIL DIGITAL ART OUTSIDERS

Le festival Art Outsiders présente, dans la suite des manifestations de l’année du Brésil, une exposition intitulée :// Brasil Digital. Cette exposition ouverte au public du 28 septembre au 16 Octobre 2005 à la Maison Européenne de la Photographie, retranscrit le parcours initiatique d’une culture aussi effervescente que le Brésil. Une société métissée, bigarrée et soumise aux paradoxes postmodernes qui y prennent place. Une culture qui concilie croyances religieuses syncrétiques, culture de la rue, de la fête, et dès à présent, les nouvelles technologies numériques de pointe. C’est pourquoi, sous l’égide des instants augmentés, interactifs et virtuels qu’offre cette exposition, se cache le vitalisme d’une société en pleine mutation.
Lors de l’ouverture de l’exposition, il a été proposé de pénétrer dans le monde de Video Creature Imersiva (Créature-Vidéo Immersive), une performance participative d’Otávio Donasci. La volonté de son créateur est de détourner les préceptes du théâtre afin de créer des réalités sensorielles hybrides. Et se retrouver en charmante compagnie d’une créature virtuelle, télé-porté pour quelques délicieux instants, main dans la main, les pieds dans l’eau, sur une plage de Copacabana.
Retour à une réalité beaucoup plus froide avec le dispositif multimédia Reflexao (Réflexion) de Raquel Kogan. Des séries de chiffres blancs sur fond noir descendent ou montent sur un écran géant, « à la Matrix ». En ombre chinoise les corps s’inscrivent sur ce dernier, dématérialisés, dédoublés par des miroirs et tronqués. Notre sens de la vision est mis à l’épreuve d’illusions optiques de toutes sortes.
Disséminées dans plusieurs lieux de l’espace d’exposition, deux pièces de l’artiste Servulvo Esmeraldo sont présentées : Excitáveis (Les Excitables). Elles sont le fruit d’expérimentations faites par l’artiste sur l’électrostatique depuis 1967. Ces tableaux-objets sont des œuvres cinétiques. Lorsqu’ils sont frottés par la main, est créée de l’énergie électrostatique nécessaire au déplacement des éléments dans le tableau, chacun pouvant à loisir créer les formes qu’il désire.
Au sous-sol, nous accédons à Figures dans le paysage. Dans cette installation, nous pénétrons dans les mondes fractals visages-paysages de André Parente. A l’aide d’une souris qui permet de maîtriser la profondeur de champ, s’alternent deux visages et un paysage, pour qu’à certains moments, ils ne fassent plus qu’un. Leur confusion symboliserait le regard des esprits qui habitent le lieu.
One, none and a hundred thousand (Un, personne et cent mille) est une installation interactive sur la métaphore des liens qui se tissent entre les individus. Inspiré d’une nouvelle de Pirandelo, Katia Maciel propose que chaque participant tisse et dénoue des relations amoureuses. Sûrement pour critiquer la futilité et les clichés dont est affublé la relation amoureuse au Brésil.
Eduardo Kac présente avec Move 36 à la Biche de Bere Gallery, un holopoème qui s’intitule Quando ?. C’est une invitation à se recueillir sur l’espace et le temps, le mot et l’image au travers d’une forme holographique monolithique. Son sens caché ne peut être perçu qu’après plusieurs rotations. Œuvre mystique, Terrarium nous plonge dans une cérémonie des indiens du Mato Grosso au sud du Brésil. Diana Domingues propose d’entrer en relation avec le cosmos. Pour les indiens. ce lien invisible passerait par la relation intime avec les animaux. Internet deviendrait ce nouveau monde parallèle, par lequel le cycle naturel de la vie se renouvelle. Pour préserver ce rapport au cosmos, il a été aussi conçu Sn(h)ak(r)es. On peut y voir vivre, grâce à la téléprésence, des serpents en vivarium. Pour ceux qui veulent garder le contact : http://artecno.ucs.br/insnakes/english/
Pour clore ce tour d’horizon de la culture numérique brésilienne, cette exposition n'omet pas l’une des priorités du Brésil : la faim. Ainsi, dans la salle jouxtant le bar, Réjane Spitz présente une installation interactive intitulée Você tem tome de que ? (Qu’aimeriez-vous manger ?). Après avoir recueilli une centaine d’entretiens qui traitent de la prise de conscience et des solutions apportées au problème de la faim, ceux-ci nous sont restitués lorsque l’on appose un plateau repas sur un capteur : délivrant une nourriture réflexive et spirituelle aux occidentaux qui mangent à leur faim.

Il est à noter au début de l’exposition une programmation en boucle de vidéos : Vidéos Brasil, programmées par Solange Farkas ( Sopro (Souffle) de Cao Guimarães et Rivane Neuenschwander, BMX de Alexandre da Cunha, SÓ (Seul) de Conrado Almada et Estúdio Mosquito, Souvenir de Marcelo Braga, Nanofania (Nanophonie) de Cao Guimarães, Papilas (Papilles) de Renata Alencar, Desenho (Dessin) de Juliana Alvarenga Freitas, Deleuze enquanto modelo vivo (Deleuze comme modèle vivant) de Marcellvs L)