EXPO // ECOSYSTEME ARTIFICIEL







Cette création s’inscrit en un plateau, une ligne de fuite pour reprendre Deleuze et Guattari. Cet espace vectoriel est une proposition d’arrière monde, où se croisent la destinée de la transmutation de la matière, l’anticipation et la préfiguration artistique. Par un renversement radical, le monde qui est ici présenté établit un ordre nouveau des choses, fruit des rêveries, et des utopies véhiculées par les sciences de la cybernétique et de la génétique. Dans cette optique, le minéral et le métal seraient mus par la vie, une vie autonome, pensante et agissante. A contrario, le paysage serait animal/végétal, mais figé, transformé par les mutations que nous lui avons infligées, en attente d’un jour meilleur pour reprendre ses droits.
Dans ce complexe le paysage est fait de chair, il est l’incarnation et la métaphore de la terre vibrante et agonisante qui sous le pas de l’« homme », devenu un être de métal, corps et âme sans organes, serait meurtrie, lacérée. Les maîtres mots sont la douleur et la souffrance. Ces derniers « vivants » existeraient dans le mensonge éhonté - fruit de l’esprit impie de l’être humain - de la possibilité de vivre en coexistence harmonieuse avec la nature. Mais ils confondent, encore, la communauté de destin (maître et possesseur de la nature) et la fragile synergie de l’écosystème planétaire. L’homme, s’évinçant lui-même de son propre territoire, n’aurait en conséquence plus sa place, définitivement exclu et dépassé par sa propre nécessité de production de vie autonome. En conséquence, ce qui a été photographié : c’est la mort, le masque, le fantôme des vies artificielles qui désormais constellent notre imaginaire de la figuration. Il y a une volonté, une obligation même, qu’elles ne soient pas virtuelles - cerveau et ordinateur - mais qu’elles soient présentes - présentifiées par la sculpture, photographie et la musique. « Ça a été là » ou « ça l’a été » : du moins c’est ce que ces supports artistiques tentent de nous faire croire. Profitant de l’illusion photographique et sonore, nous sommes idéalement en présence d’ersatz et d’avatars qui ontologiquement traversent nos imaginaires. Les potentialités que renferment les virtualités ne demandent-elles pas à surgir et de faire partie de nos réalités immédiates ?
Ce n’est pas comme on pourrait le croire dans ce texte l’hallali de l’homme postmoderne et futur posthumain, accompagné de sa cohorte de faces mutantes et de cyborgs, ni l’exacerbation de la fin de l’histoire et de la fin de l’homme tout court. Point n’en faut ! Mais cela est seulement une mise en garde, contre le progressisme aveugle de la rationalisation économique et politique qui systématise l’effacement de l’être humain, et ce au profit d’une variable statistique ou d’un code génétique. Et nous prenant tous pour des complexés de l’Oedipe et enchaîné par le patriarcat. L’action est surtout celle de mon imaginaire et trouver ces mots sont autant d’exécrations que de passions, ce tâtonnement doit laisser la place à l’imaginaire qui m’a pétri et laisser enfin « vivre » ces oeuvres.

Photographies, sculptures et texte de Frédéric LEBAS Son de Rénald Hellio