Critique THREE DROP



Vous êtes vous déjà pris dans les méandres d’une histoire qui n’en finissait jamais de vous surprendre ? Avec THREE vous ne risquez pas d’être déçu ! En ligne depuis décembre 2003, THREE est le premier travail du collectif japonais THREE-drops. C’est un site ludique et interactif avec lequel on a la possibilité de créer une multiplicité de petites scénettes. En faisant évoluer trois « Alice au pays des merveilles » des temps modernes, ces trois artistes japonais nous font participer et interagir avec leurs rêveries. Nous serions en quelque sorte les metteurs en scène d’avatars (doubles virtuels) et les démiurges de leurs destins virtuels. Il vous suffit de choisir l’une d’elle et les éléments de la composition scénique, pour vous faire pénétrer dans leurs univers féeriques et surréaliste, mélange de fiction et de réalité.
Son esthétique faite d’aplats de couleurs fluorescentes et d’un subtil mélange d’éléments figuratifs et non figuratifs se rapproche du pop art ou du kitsch. A l’introduction du site apparaissent les trois protagonistes. Ces dernières seront désormais vos guides lors de votre immersion. Après avoir choisi l’une d’entre elles, on vous demande de choisir quatre icônes (sorte de cartes postales) parmi les six proposées et de les disposer selon l’ordre de votre convenance. Ensuite, il suffit de cliquer sur start story pour débuter l’histoire.
Les histoires respectent un story-board pré-établi à l’avance. Le début et la fin sont les mêmes, et les ambiances imaginaires sont propre à chaque personnage. La première est près d’une voiture, arrose des plantes jusqu'à ce que son téléphone sonne et qu’elle réponde. La seconde se trouve chez elle, rangeant des vases, elle en lance un et fait peur à son chien, puis part à sa recherche. La troisième et dernière est dans la rue, elle s’installe sur un banc, dans ses bras un sac, au moment ou elle le dépose un corbeau le fait tomber et elle court après lui, faisant mine de tirer sur lui avec un pistolet imaginaire. De ces évènements déclencheurs anodins, il s’ensuit pour toutes les trois une promenade, ou mieux une dérive pour reprendre un terme situationniste, où se croisent des personnages et animaux insolites, dans des décors urbains et naturels surréalistes et même pour certains psychédéliques.
Pendant leur errance, on retrouve les éléments préalablement choisis. Par la technique du cut-up ou d’incrustation d’animations graphiques (animé ou non animé) les icônes prennent vie et forme ou font partie intégrante du paysage. Ainsi selon la composition que vous avez commandé, y correspond, après un traitement des données, un champ de narration. THREE est un générateur (une matrice) à narration. Ces artistes qui évoquent la trinité jouent avec humour du mot arbre en anglais c’est à dire tree. Pour reprendre la métaphore de l’arbre, les racines sont les trois filles et leur univers subjectif et souterrain. Le tronc se sont les six icônes. Tandis que les branchages ce sont nous-mêmes qui par nos choix propres, créons de nouvelles ramifications et liaisons.
A la fin de chaque histoire, pour accentuer le processus en germination qu’évoque THREE, les protagonistes se retrouvent pour leur rituel : l’une dépose un pot de fleur, une autre y dépose une graine, la dernière l’arrose : une plante pousse jusqu’au ciel…
THREE est un lieu de rêverie et de flânerie. THREE est une métaphore aboutie de l’hypertexte, de l’hyperlien et mieux encore d’une conscience collective, un arbre linguistique (en référence à Noam Chomsky) car chaque scénette peut être enregistrée et ensuite croisée avec d’autres. Ainsi, on participerait tous à une seule et même histoire, une histoire virtuelle qui pour ces concepteurs déborderait dans le réel.



Concepteurs
Kamihiro Yo, designer et programmeur / Hiroyuki Arakaki, programmer / Tsutomu Nakaniwa, designer


Publié sur parisart.com